Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (145)

La découverte de la Fontaine, l’ordre de boire de cette eau boueuse, de s’y laver et de manger de l’herbe, provoquèrent dans la foule un long murmure, qui signifiait qu’elle ne comprenait pas la merveille qu’opérait cette humiliation. Cette humiliation de l’enfant ouvrait la source des guérisons et des miracles. Le lendemain la Vision ne parut point. Elle s’en retourna en larmes, désolée, et elle pleura tout le chemin au bras de sa tante.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (144)

Quant à l’acte de pénitence, de baiser la terre pour les pécheurs, acte accompli par elle, nous avons vu que la foule ne comprit pas. Un grand nombre cependant pensèrent dès lors qu’un grand avenir se préparait dans la Grotte. 

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (143)

Nous avons vu qu’à partir de la seconde moitié de la quinzaine, la Vision exigea de Bernadette des actes extérieurs nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Le premier acte fut de déposer un cierge béni, en l’appuyant sur le rocher, et de le laisser allumé. Ce que Bernadette fit, et après elle plusieurs personnes qui voyaient dans cet acte un témoignage agréable à la Vierge.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (142)

Les longues extases de Bernadette, toutes en sourire et en larmes heureuses, se déroulaient sous les regards infatigables de ces assemblées étonnées et frémissantes du voisinage manifeste d’un être surnaturel, invisible et ravissant.

L'amour des ennemis

Comment peut-on aimer ses ennemis ? Pour beaucoup, en effet, il s’agit là d’une énigme qui se résume à savoir comment aimer ceux que nous n’aimons pas et qui nous le rendent bien ? La réponse silencieuse de Bernadette est édifiante. Bernadette aime parce que le bon Dieu aime. Et parce que le bon Dieu aime, Bernadette aime comme le bon Dieu aime. Pour nous, c’est parce que l’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné, que nous pouvons aimer nos ennemis.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (141)

Quelle était l’attitude de la Vierge à l’égard de ces foules ? La Vierge tenait presque toujours ses yeux sur ceux de Bernadette : de temps en temps, elle les levait pour promener sur la foule des regards et des sourires heureux. La petite fille a dit qu’elle semblait prendre une grande complaisance à voir ce peuple religieux accouru au soupçon de sa présence. 

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (140)

Tout alors semblait descendre en elle, le reflet céleste s’éteignait, on voyait mourir son sourire ; plus de lumière dans son œil ; sa merveilleuse pâleur disparaissait sous les couleurs renouvelées de son teint ordinaire. Bernadette revoyait le rocher, sa mère, sa tante, les foules ; elle était retombée dans la vie vulgaire. Le bruit croissait, la dispersion se faisait lentement, on se pressait autour de Bernadette. Ses parents l’entouraient et la défendaient des curiosités importunes. Un groupe énorme la suivait vers sa demeure.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (139)

Quand l’extase touchait à sa fin, la foule voyait Bernadette, toujours agenouillée, s’inclinant plusieurs fois de l’air le plus aisé et le plus noble, saluant respectueusement, laissant voir dans l’expression du visage transfiguré, le regret d’une séparation, saluant encore, puis faisant un long soupir.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (138)

L’enfant saisie faisait bientôt, du geste le plus aisé et le plus doux, des inclinations gracieuses où elle témoignait un respect profond. Son visage s’était lentement épanoui en un sourire retenu, mais heureux et serein. Elle se courbait encore ; puis, l’œil toujours fixe, elle traçait sur sa personne ravie, avec le crucifix de son rosaire, un signe de croix solennel, plein de foi et plein de grâce, et si beau et si noble, qu’on disait que seuls les saints du ciel devaient savoir le faire ainsi devant la gloire du Sauveur. Immobile et comme tendue par une attention délicieuse, c’est alors qu’elle était belle. On la contemplait dans un long étonnement.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (137)

Soudain, un léger saisissement annonçait la visite auguste ; les deux mains s’élevaient un peu par un mouvement rapide et doux. Tout semblait monter en elle, l’attitude et les traits : son visage blanchissant aspirait vers quelqu’un sur la hauteur. La foule recevait le contrecoup et répétait : Maintenant elle voit ! Elle la voit. Le silence devenait plus profond ; un recueillement religieux planait sur l’assemblée.

Cachée

Devenue religieuse, Bernadette déclare en arrivant au couvent Saint-Gildard de Nevers : « Je suis venue ici pour me cacher. » Cependant, en disant cela, celle qu’on appelle désormais sœur Marie-Bernard, n’évoque pas seulement tous ceux qui, pendant huit ans, ont pu la voir, l’entendre, la toucher, alors qu’elle racontait encore et encore son extraordinaire expérience des apparitions de Lourdes. Bernadette voulait plus que tout « vivre cachée avec le Christ en Dieu », imitant alors le Fils de Dieu qui, en son humanité, est resté caché aux yeux des hommes. En vivant ainsi, Bernadette ne s’est pas désolidarisée de la nature humaine, puisqu’elle est devenue, en vérité, cachée à elle-même, tant elle vivait en Dieu. Ainsi cachée, Bernadette laisse voir son Créateur, son Sauveur, son Sanctificateur.

Les Béatitudes

Entendre Jésus faire l’éloge de la faim, des larmes, de l’exclusion peut déconcerter, c’est vrai. Pourtant en écoutant attentivement on comprend que la Béatitude consiste en un changement radical : car vous serez rassasiés, car vous rirez, car votre récompense est grande dans le ciel. De fait si on accueille chaque Béatitude pour ce qu’elle est, on y voit un fidèle portait de Jésus. C’est lui qui a eu faim, qui a pleuré, qui a été exclu et que Dieu a rassasié, a comblé de bonheur, a récompensé dans le ciel. Jésus est le premier et à son tour Jésus rassasie, comble de bonheur, récompense. Contemplons la Vierge Marie. Regardons Bernadette de Lourdes. Et nous verrons l’amour dont Jésus veut nous combler par sa croix.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (136)

Et maintenant voir Bernadette en extase, telle que la foule ne s’est jamais lassée de la contempler à genoux, les mains jointes, le chapelet entre les doigts, le corps tendu comme si une force la tirait d’en haut, pâle, les lèvres décolorées, l’œil attentif vers l’ouverture du rocher, Bernadette disait sur les grains de son chapelet un petit nombre d’Ave Maria.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (135)

Elle étudiait les traits du visage céleste, les plis des vêtements : elle admirait les mains fines et blanches : les cheveux de la Vierge se sont toujours dérobés à sa vue. Jamais l’enfant ne s’est accoutumée à cette blancheur céleste : à la dix-huitième contemplation, elle fut aussi puissamment et aussi délicieusement saisie que le premier jour.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (134)

La Vierge apparaissait dans une lumière d’un éclat immense et merveilleusement douce. Cette splendeur d’un autre monde l’enveloppait d’un vêtement de gloire et rayonnait sans aucun scintillement. Bernadette plongeait avec ivresse son œil dans l’auréole resplendissante. Avec une entière liberté, elle contemplait la Dame longuement.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (133)

Les témoins de cette matinée se hâtèrent de disperser les impressions parmi la population de plus en plus surprise. La petite fille s’emparait des esprits. Dans les magasins, sur les rues, au foyer, partout on entendait que son nom. Les paysans des environs publièrent ces récits dans leurs villages ; les voyageurs les disséminaient au loin. La plaine et la montagne surent, dès ces premiers jours, les événements de la Grotte. Un sentiment dominait toutes les pensées : une curiosité ardente.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (132)

Ces personnes emportèrent le désir de venir voir encore, et occupèrent toute la journée la ville entière du spectacle de Massabielle. Le lendemain, dès l’aurore, la Grotte était envahie par plusieurs centaines de curieux. Bernadette vint, pria, captiva les nouveaux venus par sa beauté étrange, son recueillement inouï.

Notre-Dame de Lourdes

Comment évoquer les apparitions de Lourdes, comment parler de Notre-Dame de Lourdes? En regardant Bernadette. En écoutant le témoignage des milliers de personnes présente à la Grotte de Lourdes à l’heure des apparitions. Ils ont vu son visage épanoui, ils l’ont vu faire son signe de croix avec tant de foi et tant de grâce, tant de beauté et tant de noblesse. Ils l’ont vu s’incliner avec une grâce inconnue sur terre. Ils ont vu comme elle était belle. C’est ainsi qu’ils sont entrés dans l’expérience d’une Présence. Aujourd’hui, c’est en regardant les autres, c’est en se regardant les uns les autres, que cette expérience de communion éclaire la Présence de Celle qui accueille chaque pèlerin à la Grotte.

Le sens de certains signes

Tout de suite après la pêche miraculeuse, Jésus dit à Pierre : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. » Effectivement lorsque, rempli d’Esprit Saint, Pierre s’adresse aux pèlerins présents à Jérusalem le jour de la Pentecôte, à sa parole, trois mille personnes se convertissent. À la Grotte de Lourdes, le jour de la première apparition, la Dame donne à Bernadette le plus grand de tous les signes, celui de la croix. Et l’enfant en goûte aussitôt le fruit à travers la prière, la charité, le témoignage. Quelques années plus tard, Bernadette deviend sœur (= prière) de la Charité (charité) et de l’Instruction chrétienne (= témoignage) de Nevers, comme cela lui avait été indiqué dans le signe de la croix du 11 février 1858.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (131)

La Vierge disposait le peuple, par la merveille multipliée de la tranquille extase, à recevoir Bernadette comme messagère de sa volonté. Déjà, à l’apparition du 19 février, au matin, un assez grand nombre de femmes commencèrent à observer le merveilleux changement de visage de Bernadette, son attitude extatique, son long silence, et se joignirent à sa prière.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (130)

Par cette chétive créature, par ses fatigues et ses humiliations, par sa faiblesse et son néant, devaient être accomplies toutes les merveilles surhumaines qu’elle méditait à la Grotte, et la gloire de Dieu apparaître. La Dame aura sa chapelle, cette parole d’enfant la fera jaillir du rocher. La Vierge a créé Bernadette et Bernadette a créé les foules.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (129)

Bernadette porta le lendemain à la Grotte le message dont elle était chargée. La Vierge sourit. La demande de la chapelle fut renouvelée et l’enfant docile revint, sans découragement, s’acquitter de sa mission. Cette ambassade de l’enfant était le devoir le plus pénible, comme l’œuvre la plus grande. Elle, petite enfant, pauvre ignorante, timide, elle, avec ses haillons, demande au nom d’une femme qui n’a même pas de nom, une chapelle à construire dans un lieu sauvage ! Folie ! Ainsi le voulait la Dame.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (128)

Bernadette se présenta à M. le Curé de Lourdes. L’enfant répéta d’un air très candide et avec une grande confiance les paroles de l’Apparition. M. le Curé l’interrogea sur ce qu’elle voyait et fut frappé par le récit de la petite fille. Dis à cette Dame qu’il faut qu’elle se fasse connaître, qu’elle opère quelque miracle, qu’elle fasse, par exemple, fleurir le rosier de la Grotte.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (127)

La chapelle. La Grotte, la Fontaine, les guérisons ne suffisaient pas à Marie pour l’œuvre de sa Miséricorde ! Il lui fallait la main des hommes pour perpétuer ces souvenirs et l’aider dans ses desseins sur les âmes : « Vous irez dire aux prêtres qu’il doit se bâtir ici une chapelle et qu’on doit y venir en procession ».

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (126)

Ces actes pénibles, répugnants, révélaient un pouvoir au-dessus d’elle, et renversaient d’avance les accusations de supercherie ; son humiliation était féconde. De sa faible main, sans le savoir, elle ouvrait la source des guérisons et des miracles. La Dame disparut en récompensant d’un sourire sa petite ouvrière.

Nul n'est prophète en son pays

Jésus cite ce dicton lorsqu’il revient à Nazareth. Ses compatriotes ne l’accueillent pas bien car, pour eux, il est « le fils de Joseph », ce qui leur paraît incompatible avec la renommée dont il bénéficie désormais à la suite des signes qu’il accomplit. Ce n’est pas du tout au même niveau, cependant Bernadette a été traitée durement lors des apparitions de Lourdes. Ses compatriotes savaient qu’elle était la fille du meunier Soubirous et donc ce qu’elle disait vivre n’était pas crédible à leurs yeux.

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (125)

Devant ces actes étranges, le respect qu’on avait pour Bernadette hésita : est-elle folle ? disaient les spectateurs. – Non, Bernadette n’était pas folle, elle était subjuguée, elle obéissait

Bernadette ou l’Évangile de Lourdes (124)

Se baissant ensuite, Bernadette remplit de nouveau le creux de sa main, et la passa toute ruisselante sur son visage, et se releva. Un long murmure courut dans la foule : oh ! voyez donc comme elle se salit cette pauvre enfant ! Bernadette, de ses doigts mouillés, cueilli à se moment une sorte de cresson qui poussait au fond de la Grotte ; elle en mangea quelques feuilles.