Pèlerin des Vosges (55)

C’est de cette fraternité, précisément, qu’il faut ici prendre conscience, en oubliant un peu nos égoïstes intentions de prière, pour ouvrir notre âme aux souffrance de la chrétienté, persécutée en tant de lieux, satisfaite de sa tranquille tiédeur en d’autres dont nous sommes. « Seigneurs malades, priait Nosloc, obtenez-nous des ouvriers pour monnayer en nos Vosges assoupies, la Rédemption dont Dieu vous a faits des associés de premier ordre ».

L'urgence de la conversion

Dans l’Évangile, Jésus donne des exemples de morts violentes pour évoquer les conséquences du péché : ici des gens ont été massacrés, là une tour s’est effondrée sur 18 personnes. Chaque fois, la conclusion du Seigneur nous rappelle l’enjeu de notre vie sur terre : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » À Lourdes, la Vierge Marie ne dit pas autre chose : « Pénitence. Pénitence. Pénitence. » C’est-à-dire convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. Puis, plusieurs fois : « Priez Dieu pour les pécheurs. » Bernadette a pris ce message au sérieux en priant et en offrant sa vie « pour les pécheurs » dont elle était solidaire. En effet, elle disait : « Priez pour moi,  pauvre pécheresse. » C’est ainsi que Bernadette a laissé le Bon Dieu la transformer et qu’elle est devenue sainte.

Pèlerin des Vosges (54)

On voudrait s’attarder ici. Il faut laisser la place aux foules qui se succèdent sans arrêt. Rapide contact avec cette Présence incontestable qui habite ce Lieu, mais que Nosloc – et bien d’autres avec lui – se promettait de venir savourer filialement, jamais tout à son aise cependant, il le savait par l’expérience des années passées, car trop d’enfants ici sans cesse se bousculent fraternellement autour de leur Mère.

Pèlerin des Vosges (53)

C’est lui sans doute qui était accordé à la réalité de l’âme humaine. C’est lui sans doute qui était objectif. Et c’est en ces deux vers que se reconnaît cette foule assoiffée de surnaturel, plus que dans la religion présentée trop souvent dans son aspect « politique ». Et c’est un poète encore, Péguy, « le prophète Péguy – selon le titre d’un beau libre d’A. Rousseau – qui demandait, au nom du peuple chrétien, que la religion cesse d’être « politique » pour devenir « mystique ».

Pèlerin des Vosges (52)

La « poésie », la « haute mystique » de ces baisers, de ces yeux brillants de larmes, faut-il les taire, pensait Nosloc, pour être objectif ? Ou bien est-ce un poète encore qui a eu raison lorsqu’il écrivit : « Une immense espérance a traversé la terre, malgré soi vers le ciel il faut lever les yeux » ?

Pèlerin des Vosges (51)

Le directeur du pèlerinage achevait de donner les consignes de l’évêque absent. Déjà les pèlerins défilaient, posant leurs lèvres sur la roche patinée. Dans l’invisible, par delà le marbre froid, ces milliers de baisers ne cessent de caresser d’une filiale tendresse, lourdes de foi et d’amour, une Main maternelle.